Par Vivian VIDAL et Benoît DUDRAGNE
Comprendre l’intelligence artificielle
Pourquoi l’intelligence artificielle ?
Dès que l’on emploie le terme “Intelligence Artificielle” (IA) l’imaginaire de chacun se met en marche avec des images plus ou moins fantasmées souvent issues de films ou de romans de SF et finalement chacun a sa propre image de l’IA… parfois très éloignée de la réalité des choses et de ce qu’est réellement l’IA.
L’informatique s’est développée au milieu du XXè siècle avec un objectif clair de “traitement de l’information”. Au même moment est né l’IA, comme un partie sous-jacente de l’informatique destinée à y intégrer à ces tâches de traitement des comportements dits “intelligents”. L’objectif initial de l’IA était donc d’apporter à un système informatique de “l’autonomie”, de “l’apprentissage” et de “l’adaptation”, voilà des concepts fondateurs pour l’IA mais aussi des projections très éloignées de la réalité et des moyens disponibles au milieu des années 1950 pour y parvenir.
Au final la terminologie “intelligence artificielle” peut paraître galvaudée ou inadaptée car cette technologie n’a pas (encore) grand’chose d’intelligent (au sens humain du terme) et n’a vraiment rien d’artificiel vu qu’elle est présente dans notre vie quotidienne depuis longtemps.
Du big data au machine learning…
Si les années 90 ont été marquées par la révolution numérique, les années 2020 seront sans aucun doute celles de la révolution de la donnée, donc du Big Data et du machine learning.
Le “machine learning” est une technologie éprouvée (elle a environ 40 ans…) et maîtrisée qui permet à des machines “d’apprendre automatiquement” en analysant des données et sans avoir été forcément programmées dans ce but.
Le carburant du “machine learning” est donc la donnée : plus il y a de données à exploiter et à analyser, plus les méthodes traditionnelles d’analyse sont dépassées et plus le “machine learning” devient puissant et ouvre des perspectives allant jusqu’à la prédiction.
Même si les experts emploient souvent le mot d’“IA faible” pour parler du “machine learning” de première génération, force est de constater que cette technologie permet déjà aujourd’hui à des machines de battre l’humain sur les jeux cérébraux, de comprendre le langage naturel des humains, d’identifier des personnes, d’écrire des articles basiques sur un sujet précis…
… au deep learning
Les technologies de l’IA avançant à pas de géant et le big data devenant de plus en plus riche, le machine learning évolue et passe d’un apprentissage dit “automatique” à un apprentissage dit “ profond”, le deep learning. Cette technologie, souvent basée sur des algorithmes de neurones artificiels (inspirés par le mode de fonctionnement des neurones humains) est déjà très utilisée et très soutenue par des investissements du GAFA depuis une dizaine d’années. La reconnaissance faciale ou vocale, la vision d’un ordinateur ou d’un robot, le traitement automatisé du langage, la capacité à faire des choix… autant de fonctionnalités rendues aujourd’hui possibles grâce à cette technologie de l’IA.
… et à notre vie quotidienne
Tout cela peut paraître bien éloigné des problématiques quotidiennes de l’industrie de tourisme (à tous ces niveaux), mais il n’est est rien, bien au contraire. Cette technologie est déjà utilisée par de nombreux acteurs de tous les secteurs et est déjà présente dans notre vie quotidienne souvent sans que l’on s’en aperçoive (un achat sur internet, un guidage par son téléphone, son réseau social préféré…). Cela induit que tout le monde s’habitue peu à peu à l’intelligence artificielle et aux services qu’elle permet de rendre. Cela induit également une prise de conscience naissante sur les enjeux sociétaux qui vont en découler, notamment la peur de la perte de contrôle mais surtout la destruction programmée de millions d’emplois rendus “périmés”… et des millions d’autres qu’il reste à inventer.
La création de valeur : un enjeu crucial dans le tourisme
Certes, l’intelligence artificielle n’est qu’une brique technologique de plus, mais c’est une technologie “révolutionnaire” qui ouvre un grand champ d’opportunités qu’il convient d’analyser et de saisir. L’histoire a montré qu’il était primordial, voire vital, pour une industrie de s’adapter à une révolution technologique (la vapeur, l’électricité, la voiture, l’informatique, internet…) surtout lorsqu’elle touche profondément son coeur de cible. Dans le tourisme, il sera crucial de veiller à ce que l’intégration de l’IA soit orientée sur le développement d’outils ou de services destinés à créer de la valeur, et cela à deux niveaux principaux.
Tout d’abord pour se différencier et gagner des parts de marché dans un secteur mondialisé et de plus en plus concurrentiel. C’est pour cela que de grands groupes hôteliers, des parcs d’attractions, des stations de ski, des OTA… développent déjà des services innovants intégrant de l’IA (et travaillent à ceux qu’il faut inventer pour demain) afin de gagner en compétitivité dans leur coeur de métier. Ils améliorent ainsi de nombreux processus (en back office comme en font office), ils réalisent en continu des tâches impossibles à envisager sans IA (veille concurrentielle, adaptation en temps réel du site internet, e-réputation poussée, datamining…) et en plus ils font tout ça en gagnant du temps, ce qui est un critère fondamental pour être compétitif dans le tourisme.
On s’aperçoit aussi qu’ils le font également souvent pour pouvoir surfer sur le capital “image” que cela procure, sans doute encore pour quelque temps…
Ensuite, le second niveau est bien évidemment l’apport de valeur au client final. Améliorer sa satisfaction, ajuster les services, personnaliser les outils, rendre plus “parfaite” l’expérience touristiques vécue… dans une logique assez simple : plus on apporte un service à valeur ajoutée à un client et plus il renvoie de la valeur (partages, images, commentaires, dépenses…). On parle là “d’hyper-personnalisation’” de la relation client, de la capacité à pouvoir se concentrer sur le service et la réponse à apporter spécifiquement à un client et de créer de l’empathie, de la relation humaine, des sourires… c’est là une des bases fondamentales du tourisme et de sa réussite.
Au final, le champ des possibles d’intégration de l’IA pour l’industrie du tourisme parait infini, limité simplement par notre imagination et les limites technologiques du moment (réelles, mais sans cesse dépassées). Mais si l’on se projette très concrètement et à très court terme on peut déjà identifier dans le tourisme des outils et des services que l’on peut grossièrement classer en deux catégories (qui se rejoignent en fait) : ceux qui sont complètement orientés “client” et ceux qui permettent d’optimiser le travail lié à l’activité touristique.
Des exemples et des projections concrètes
Les services d’hyper personnalisation
On retrouve dans cette sphère tous les services clairement orientés sur le champ très vaste de la relation client (donc potentiellement “avant, pendant et/ou après” un séjour touristique) : Analyse et connaissance d’une personne, personnalisation des messages, des services proposés, des activités proposées, des actions de fidélisation… autant de possibilités et de services à inventer.
Une projection ?
Vous arrivez à la réception d’un hôtel, l’hôtelier vous a “analysé” en amont et sait que vous êtes un passionné de vins de Bourgogne. Il ouvre facilement le dialogue sur ce sujet avec vous et vous offre un verre de bienvenue au bar de l’hôtel s’il voit que vous y êtes sensible. Trois mois plus tard vous recevez un message de cet hôtelier car il y a un évènement oenotouristique organisé dans sa ville et qu’il a pensé à vous…
L’amélioration de l’expérience utilisateur dans les interfaces
L’optimisation des interfaces “homme-machine” est un enjeu crucial dans le tourisme, secteur où les vecteurs numériques sont devenus incontournables.
L’IA offre déjà de nombreuses possibilités technologiques en la matière : interfaces de type chatbot, communication de type conversationnel, traductions instantanées, affichage de contenus web personnalisés en temps réel (en fonction de l’analyse du visiteur)…
Une projection ?
Vous êtes une maman de 5 enfants et vous cherchez un camping pour les vacances d’été. Vous arrivez sur le site internet d’un camping qui “comme par hasard” vous propose instantanément des hébergements, des produits et des services complètement adaptés à vos attentes. Vous en parlez à votre meilleure amie qui est mariée mais qui n’a pas d’enfant, elle va voir ce même site mais n’y voit pas du tout les mêmes choses que vous au premier abord…
Le guidage intelligent
Dans le tourisme, le guidage a toujours été et demeure un élément majeur : où aller ? pour y faire quoi ? comment ? sans risque ? par rapport à la météo ? pour relever un défi ?… Des outils de guidage intelligents utilisant de l’IA peuvent préconiser des parcours adaptés en fonction de données contextuelles multiples et instantanées (intérêt pour la personne, niveau de pratique analysé, densité de fréquentation, météo, horaires, etc…)
Une projection ?
Vous êtes un skieur, depuis 3 jours vous skiez seul dans une station. Il est 14h30, vous êtes au bas des pistes et vous voulez optimiser les 2 dernières heures de ski. Vous posez la question au chatbot de la station sur votre smartphone. Il analyse vos trois derniers jours de pratique, vos temps de descente selon les pistes, la météo, l’encombrement des pistes et des remontées mécaniques. Il vous pose une question complémentaire “vous voulez le faire sportif ou cool ?” et vous propose un parcours optimisé de vos 2 dernières heures de ski.
La proposition prédictive
Lors d’un séjour un touriste veut forcément avoir une idée d’une chose à faire, à voir, à visiter, mais c… c’est une des attentes les plus souvent exprimées auprès d’une entreprise touristique ou d’un office de tourisme. La valeur ajoutée est apportée lorsque l’on propose “LA” chose à faire qui colle à un contexte et à une attente (parce que j’ai passé la journée à la plage, parce qu’il pleut, parce que j’ai 5 enfants, parce que je suis à cet endroit là, parce que je suis fatiguée …)
Une projection ?
Vous êtes en pleine semaine de travail, assez fatiguée, il est 21h30 et vous lancez votre assistant de bien-être sur votre smartphone. Il effectue votre analyse faciale pour évaluer votre état de forme, il vous pose quelques questions, check vos emails et votre agenda ainsi que celui de votre mari, analyse toutes les possibilités d’hébergements et de “choses”’ à faire dans un rayon de 2h00 de déplacement . Au final il vous propose trois options pour le week-end à venir (une en solo, une en couple et une en famille avec vos 2 enfants) et vous promet que vos cernes vont disparaître.
L’affichage dynamique intelligent
Tous les territoires touristiques qui gèrent et organisent de l’activité touristique souhaitent diffuser cette information au plus grand nombre, et les réseaux d’affichage numériques sont un des outils utilisés pour cette diffusion. Mais ces réseaux peuvent intégrer de l’intelligence artificielle pour analyser en temps réel des données contextuelles (météo, fréquentation, horaires, capteurs de passage…) et adapter sans arrêt les informations diffusées.
Une projection ?
Vous êtes sur la place centrale d’une station balnéaire, juste après une journée de plage, il est 18h30. Un panneau numérique central affiche l’heure et le programme des évènements de la journée de demain. Le panneau est relié à un système qui analyse la fréquentation de la place grâce à une caméra. Tenant compte de l’heure et de la météo très clémente prévue pour la soirée le système se met à diffuser des vidéos très immersives de personnes en train de dîner en famille dans un restaurant de plage… vous venez de trouver la chose que vous allez faire.
La génération automatique de contenus éditoriaux
La capacité des systèmes à crawler de grandes quantités de données, en plusieurs langues et en des temps très réduits offre des possibilités très intéressantes pour faciliter le travail de ceux qui doivent analyser et/ou produire des contenus pour alimenter des outils numériques. Avoir une aide pour synthétiser en 200 mots le ressenti du Festival de Musique de la veille, faire une synthèse de tous les avis clients des hôtels de la ville, générer automatiquement une page web sur une pratique sportive spécifique… les possibilités sont très vastes.
Une projection ?
Vous êtes community manager d’un office de tourisme. Vous devez faire une publication sur un blog de passionnés de vins et de gastronomie pour vanter les attraits de votre territoire. Vous lancez votre assistant rédactionnel sur le sujet en cadrant son travail (langues à couvrir, sites à cibler, offres à cibler). En 30 secondes il vous produit un article de premier niveau rédactionnel, optimisé SEO. Votre relecture et vos enrichissements permettent de boucler un article de grande qualité en 30 minutes sur un sujet que vous ne maîtrisez pas vraiment auparavant.
L’observation touristique d’un territoire
Dans le tourisme l’observation statistique a souvent été un “objectif”, mais a rarement “transformé l’essai” surtout au niveau local par des actions très concrètes et surtout pérennes. Dispositifs quantitatifs ou qualitatifs, analyse de données personnelles ou comportementales, tableaux de bord de suivi en temps réel… les technologies actuelles et l’IA permettent d’ouvrir davantage le champ des possibles et d’envisager des choses jusqu’ici inaccessible sans la mise en place de moyens disproportionnés.
Une projection ?
Vous êtes responsable d’une ville touristique et vous souhaitez analyser la satisfaction et les attentes de vos visiteurs. Vous mettez en place un dispositif assez lourd avec des enquêteurs sur le terrain, complété par un chatbot d’enquête accessible sur vos panneaux tactiles, sur vos applications mobiles, sur vos sites internet… Ce chatbot est capable de mener l’enquête en langage humain, en 10 langues, 24/24 7/7, et en adaptant l’interrogation au fur et à mesure de la discussion. Il fournit instantanément à votre dispositif d’enquête des données parfaitement calibrées et saisies.
Le pilotage intelligent des équipements
Les technologies faisant appel à l’IA permettent de fusionner un très grand nombre d’informations et de données remontant d’un territoire et de son environnement : fréquentation des parkings, nombre de personnes dans une zone, météo prévue, nombre de connexions wifi en cours, nombre de téléphones connectés aux réseaux mobiles, consommation d’eau ou d’électricité, etc… Les objets et les systèmes étant également de plus en plus connectés entre eux, on peut disposer de Data Farm alimentant des tableaux de bord intelligents de pilotage d’un territoire
Une projection ?
Vous êtes directeur d’une station de ski et vous gérez plusieurs équipements pour lesquels vous êtes amené à prendre sans cesse des décisions qui interagissent entre elles. Le système vous alerte d’une dégradation forte de la météo sur l’extrême Nord du domaine skiable dans 1h30. Plusieurs scénarios sont possibles (fermer des routes, des pistes, des remontées, réorienter les skieurs…) et vous devez décider très vite lequel choisir. Le tableau de bord intelligent peut calculer les implications de vos choix ou vous proposer des scénarios possibles et leurs conséquences en tenant compte de toutes les données dont il dispose en temps réel (personnes sur les pistes, état des route, fréquentation des parking, météo…).
La Mise en oeuvre d’un projet d’Intelligence Artificielle
Pour rappel, utiliser l’intelligence artificielle dans son développement n’est pas une finalité en soi. C’est avant tout un moyen d’apporter de la valeur ajoutée à un ou plusieurs bénéficiaires.
Trois composantes projets incontournables
Un projet intégrant de l’intelligence artificielle doit créer une forte valeur ajoutée qui passe généralement par une part importante d’innovation voire de disruption sur un socle technique solide.
Il exige d’avoir à sa disposition 3 composantes majeurs :
- Une expertise technique pour travailler avec aisance sur toutes les opportunités données par l’IA. La maîtrise du traitement des données sous toutes ses formes, en temps réel, géolocalisées, devient incontournable. Il en est de même pour l’usage de la vingtaine API mis à disposition par IBM dans sa solution d’Intelligence Artificielle WATSON.
- Une expertise métier de haut niveau pour inventer ou apporter des réponses opérationnelles à des « besoins clients » dans un cadre professionnel maîtrisé.
- De l’excellence méthodologique pour mener à bien des projets difficiles dans des écosystèmes de plus en plus complexes.
Concrètement, l’idée initiale doit pouvoir se transformer en solution opérationnelle sans frein sur l’une de ces trois dimensions.
Par conséquent, il est important de prendre conscience qu’a l’état actuel de la science, les coûts de développement des projets innovants intégrant de l’Intelligence Artificielle sont particulièrement conséquents.
C’est pour cela que nous pouvons identifier deux façons de traiter l’intelligence artificielle en fonction de la taille et de la nature des structures concernées.
De l’intelligence artificielle mutualisée pour les petites structures
D’un côté, les petites structures, avec peu de ressources humaines dédiées au pilotage de projet, dotées des moyens financiers limités, elles s’inscrivent plutôt dans une logique de gestion d’établissement. Ici l’intelligence artificielle n’est pas obligatoirement une utopie. Elle s’envisagera plutôt dans un processus de mutualisation avec des solutions par briques de services. Celles-ci pourront enrichir le service client ou les ressources en backoffice : un abonnement à une plateforme de guidage, de GRC, de « profiling » intégrant les bienfaits de l’intelligence artificielle. La création de valeur est apportée par le prestataire de service qui le mutualisera auprès de ses clients. Des solutions commencent à émerger…
Des projets développés en interne pour les grosses structures
De l’autre côté, les grosses structures avec des moyens conséquents, habitués au pilotage de projet et à la gestion des multiples acteurs (grosses destinations touristiques, grandes entreprises, groupements…) pourront s’engager dans un pilotage de projet innovant développé en interne.
Les projets de ce type intégrant l’intelligence artificielle devront obligatoirement s’appuyer sur une stratégie bien réfléchie et partagée au regard de l’investissement nécessaire.
Des contraintes fortes à prendre en considération en amont du projet
La captation et la nature des données pour alimenter le système
La matière première sur laquelle repose un projet intégrant de l’intelligence artificielle est la donnée. Elle est multiforme : chiffre, texte, image… disponible en interne ou accessible en externe. La question est de savoir comment l’identifier, l’évaluer, la capter, la rendre compréhensible pour que la machine puisse l’exploiter en l’intégrant dans son apprentissage.
S’ajoute à cela la dimension règlementaire. Dès que l’on touche à des données personnelles, le cadre juridique, avec la nouvelle règlementation européenne qui entre en vigueur en mai 2018 (RGDP), va s’avérer contraignant. Plus problématique, il est différent selon les continents. L’impact est particulièrement important sur les stratégies à mettre en œuvre notamment dans le tourisme.
La complexité du pilotage
Développer un projet dans l’innovation est assurément complexe. Le champ des possibles est très large et de nombreux paramètres entrent en considération : enjeux marketing et organisationnels, solutions techniques, l’expérience utilisateur…
Le besoin d’agilité
L’environnement des projets numériques et marketing étant de plus en plus changeant, la contrainte de travailler en mode agile s’impose. Ce n’est pas directement l’intelligence artificielle qui dicte cette exigence, mais plutôt le fait qu’elle oriente les projets dans un contexte d’innovation. Or les usages numériques étant extrêmement évolutifs et la concurrence de plus en plus forte, les réponses opérationnelles doivent pouvoir s’adapter continuellement. Elles ne doivent surtout pas rester figées dans un cadre qui n’a plus de sens aux yeux de l’utilisateur final.
Gérer la crainte des salariés
Cette révolution industrielle est trop souvent relayée de façon péjorative dans les médias. Elle alimente le fantasme du robot qui va remplacer l’humain, nous projetant tous à l’ANPE, voire en guerre avec les machines. Attention, si une part de risque infime existe, dans le très long terme, il est de la responsabilité des managers et des pilotes de projet de pondérer cette appréhension. C’est à eux de présenter l’intelligence artificielle comme l’opportunité de venir en soutien aux salariés dans des tâches souvent rébarbatives. Ils pourront ainsi se consacrer à celles générant de la valeur ajoutée, notamment autour de la qualité de la relation client. La communication interne joue ici un rôle prépondérant à ne surtout pas négliger.
Les grandes étapes d’un projet IA
Pour finir, nous pouvons identifier les grandes étapes incontournables d’un projet construit autour de l’intelligence artificielle.
1) identifier les données disponibles ou accessibles
En interne, il faudra s’intéresser aux données clients, à celle des objets connectés, aux statistiques d’usages, mais aussi celles des procédures mises en place, etc…
En externe, il peut s’agir encore de données clients publiques cette fois-ci, plutôt dans un traitement statistique de masse et accessible. On y trouvera aussi celles de la météo ou des réseaux sociaux qui pourront être captées en temps réel. Elles seront éventuellement enrichies par celles de vos partenaires qui vous obligent à construire une relation contractuelle avec eux, tout en les impliquant dans votre projet…
Il faudra s’interroger en profondeur sur les conditions d’exploitation et l’utilité de ces données publiques et privées
2) Croiser des données en lien avec un contexte métier
Ces données peuvent apporter une information très qualitative qu’il faudra croiser avec l’environnement métier. L’objectif est d’identifier des scénarios de traitement intelligent de ces données afin de créer de la valeur pour les bénéficiaires identifiés. Ce sont ces scénarios qu’il faudra développer par la suite dans l’environnement existant.
3) Capter les données réelles
Nous passons ici à la première phase de mise en œuvre technique. C’est la captation des données identifiées. Selon leur nature, leur structure, leur forme, leur lieu et le type de stockage, la tâche est plus ou moins complexe avec une incidence directe sur les coûts inhérents à l’interface de captation. C’est un point clé du projet qui impacte son périmètre.
4) Mettre en œuvre la solution dans l’écosystème existant
Nous basculons ensuite dans l’élaboration opérationnelle de la solution. Elle s’effectue systématiquement en plaçant l’utilisateur bénéficiaire au centre des travaux en favorisant la méthode agile. C’est une phase semblable à celle que l’on rencontre dans la plupart des projets numériques d’envergure aujourd’hui. Elle intègre juste une dimension technique supplémentaire et un niveau d’innovation plus avancé.
5) Gérer le changement interne
La problématique du changement est omniprésente dans les projets numériques. Ici, c’est encore plus criant au regard du fantasme généré et du degré d’innovation. L’intelligence artificielle bouleverse nombre de missions et de métiers existants. Elle force la transversalité dans la structure et même au-delà, avec l’animation en mode collaboratif d’un écosystème de données. Le besoin de pédagogie, de sens, d’accompagnement aux nouvelles procédures induites est fondamental. Il sera complété par de la formation et des actions de rassurance au sein de l’équipe et de tous les salariés de la structure. C’est un facteur clé de succès trop souvent négligé qui doit s’entreprendre bien en amont dans la phase d’élaboration. Les collaborateurs doivent accepter cette évolution et trouver leur place.
6) Gérer l’assimilation client
Derrière l’innovation que doit générer l’Intelligence Artificielle, se pose le problème du client qui doit de son côté assimiler un nouvel usage. La partie n’est pas gagnée d’avance. Elle demande une phase de test tout au long du projet et une communication portée sur la pédagogie qui valorisera les bénéfices. La logique de co-construction prend ici tout son sens.
L’intelligence artificielle ouvre un champ immense où l’innovation est omniprésente. Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas la fin du travail, mais plutôt l’émergence d’une nouvelle opportunité. Celle de redéployer des ressources humaines épaulées par la technologie, que l’on imagine plus disponibles, vers des tâches à forte valeur ajoutée, plus empathiques, autour de la relation client par exemple. Nous pouvons déjà envisager une véritable complémentarité entre intelligence humaine et intelligence artificielle où l’industrie touristique aura beaucoup à gagner en se consacrant prioritairement sur l’expérience vécue par le client.
Vivian VIDAL / Benoit DUDRAGNE
Sources :
https://www.lebigdata.fr/machine-learning-et-big-data
https://www.lebigdata.fr/deep-learning-definition